SUIS-JE LE GARDIEN DE MON FRERE ?
Le Christ, déjà à son époque, faisait les mêmes constations et donnait les mêmes solutions. Il mettait en scène des récits de paraboles pour que ses auditeurs soient interpellés par elles.
Nous pouvons lire ou relire la parabole du « Bon Samaritain. »
La Bible présente le défi des relations humaines (aujourd’hui RH) ; Caïn tue son frère Abel. A la voix de Dieu qui résonne en lui, il répond comme nous pourrions le faire : Suis-je le gardien de mon frère ? Caïn est indifférent, c’est pour lui la seule réponse possible. Dieu nous dote de la faculté de créer une culture différente qui nous permet de surmonter les inimitiés et de prendre soin les uns des autres.
Dans les traditions juives, le précepte ancien « tu aimeras ton prochain comme toi-même » était censé se rapporter aux concitoyens. Puis, les frontières se sont élargies et est apparue l’invitation à ne pas faire aux autres ce que tu ne veux pas qu’ils te fassent.
Dans le Nouveau Testament, le dernier précepte a évolué et devient : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le vous-mêmes pour eux. » Cet appel est universel. Le Père fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons. « Montrez-vous compatissants, comme votre Père est compatissant. »
Dans les textes les plus anciens de la Bible, l’étranger n’est pas à exclure et dans le Nouveau Testament, l’appel à l’amour fraternel retentit avec force. Les premiers chrétiens ont eu la tentation de créer des groupes fermés et isolés. St Paul exhortait ses disciples à vivre l’amour entre eux et envers tous. Cet amour-là a saveur de compassion et de dignité.
La valeur de la parabole du bon Samaritain prend tout son sens. Il importe peu que le frère blessé soit d’ici ou de là-bas. Ici, des personnes de tout statut, de tout niveau n’ont pas accordé au blessé l’assistance dont il avait besoin. C’est une personne ordinaire qui lui a donné son temps et a pris soin de lui.
Il n’est pas facile de s’occuper des autres, surtout des plus faibles. Quand nous ne sommes pas directement touchés, nous regardons ailleurs. Notre société est malade parce qu’elle cherche à se construire en tournant le dos à la souffrance.
Le modèle du bon Samaritain devrait nous inviter à raviver notre vocation de bâtisseur d’un nouveau lien social, car notre existence est profondément liée à celle des autres. La vie n’est pas un temps qui s’écoule, mais un temps de rencontre. Nous avons été créés pour une plénitude qui n’est atteinte que dans l’amour.
Pourtant, l’histoire du bon Samaritain se répète. Face à tant de douleur, la seule issue, c’est d’être comme lui. Nous ne pouvons laisser personne en marge de la société. C’est cela la dignité.
Nous avons tous été homme blessé, brigand, indifférent et Samaritain. Au bout du chemin…, il y a deux types de personnes ; celles qui prennent en charge la douleur et celles qui passent outre.
Dans sa parabole, Jésus ne propose pas d’alternative, Il se fie au meilleur de l’esprit humain et l’encourage à bâtir une société digne de ce nom. Il n’oriente pas nos regards vers les brigands, nous les connaissons. Jésus présente une agression déjà consommée, puis il fait poser un regard franc sur ceux qui passent outre. Parmi les indifférents, Il cite un prêtre et un lévite, personnes au service du culte. Il donne un avertissement fort : c’est le signe que croire en Dieu et l’adorer ne garantit pas de vivre selon sa volonté.
Et, quand les brigands ont des alliés, le cercle est fermé entre ceux qui utilisent et trompent la société, pillant parfois les ressources naturelles. L’impunité alimente la désillusion et le désespoir. Enfoncer un peuple dans le découragement, c’est lui enlever la capacité de juger et de penser.
Puis, le blessé…
Sera-t-il la justification de nos divisions, nos indifférences, nos affrontements ?
Chaque jour, une nouvelle opportunité s’offre à nous. N’attendons pas tout de nos gouvernants. Nous disposons d’un espace de coresponsabilité pour pouvoir commencer et générer de nouveaux processus et transformations.
Par essence, nous sommes frères. Il suffirait d’être animé du désir spontané, pur et simple d’être un peuple capable d’intégrer, d’inclure et de relever celui qui gît à terre. Il est possible, en commençant par le bas et le niveau initial, de lutter pour ce qui est le plus concret et le plus local pour atteindre les confins du monde. Les difficultés sont une opportunité pour grandir et non une excuse pour favoriser la soumission. Mobilisons-nous ! « Le tout est plus fort que la partie, et plus aussi que la simple somme de celles-ci .» Assumons nos fautes. La réconciliation réparatrice nous ressuscitera et nous délivrera de la peur, aussi bien nous-mêmes que les autres. Sans attendre les mercis et la gratitude, soyons comme le bon Samaritain car c’est un devoir.
Par cette parabole, Jésus nous invite à nous faire proches, c’est-à-dire : d’être présent aux côtés de celui qui a besoin d’aide en franchissant toutes les barrières. Donc, je dois devenir un prochain pour les autres. Jésus a beaucoup insisté sur l’importance d’aider ceux qui sont différents et termine en disant : « Va, et toi aussi, fais de même. » L’étonnement vient de part et d’autre car la rencontre entre un Juif (croyant) et un Samaritain (païen) s’oppose à toute manipulation idéologique. Plus tard St Paul dira : « Réjouissez-vous avec qui est dans la joie, pleurez avec qui pleure. » Lorsque le cœur entre dans cette dynamique, il fait finalement l’expérience que les autres sont « sa propre chair. » Celui qui croit reconnait que Dieu aime chaque être humain d’un amour infini et qu’il lui confère ainsi une dignité absolue. Pour aimer et accueillir tout le monde, nous avons besoin de la dimension fraternelle de la spiritualité tout en ayant la conviction de la dignité inaliénable de chaque personne.
Le groupe de réflexion sur l’encyclique « Fratelli tutti »