La fête du Saint Sacrement, appelée aussi la fête du Corps et du Sang du Christ ou la fête de l’Eucharistie ou encore Fête-Dieu, célébrée après la fête de la Trinité, fait un tout avec celle-ci. Elle nous rappelle que le Dieu-Amour et relationnel ou Trinité, qui nous habite et nous accompagne, nous nourrit sans cesse de son amour, de son souffle, de sa vie et de son Esprit. Sa Parole et le souffle de son Esprit-Saint sont une véritable nourriture spirituelle, psychique, morale et physique. Et cette nourriture nous est assurée grâce à la communion profonde que nous partageons avec lui.
Moïse a dû entreprendre un long chemin pour vraiment faire une expérience approfondie de ce Dieu dans sa vraie identité. Celle-ci lui a, entre autres, été révélée lors de la réception de la table de la loi. À la fois comme guide et intercesseur, Moïse s’est fait, à son tour, l’initiateur de son peuple pour l’aider à faire la même expérience et prendre conscience de l’Alliance de vie et d’amour que Dieu a scellée une fois pour toutes avec lui. Moïse le lui rappelle au moment où ce peuple est confronté à de dures épreuves dans sa marche durant quarante ans dans le désert. En effet, cette mission n’était ni facile ni acquise pour ce peuple, qualifié régulièrement d’infidèle, à la tête dure ou à la nuque raide. Pour cette raison, il fallait que Moïse comprenne que Dieu ne pouvait en aucun cas l’abandonner ni renier le peuple qu’il avait choisi, encore moins l’Alliance qu’il a conclue avec lui.
Jésus, comme le dit l’auteur de la lettre aux Hébreux, est venu nous introduire davantage dans la communion avec notre Dieu, formant avec nous un seul corps, lui la tête et nous les membres. Grâce à la médiation de Jésus, nous vivons de ce souffle de Dieu, circulant en nous et entre nous, qui cimente notre vie et notre identité. Et c’est en se tournant vers lui, en communion avec lui que nous laissons mûrir en nous, comme dans nos assemblées eucharistiques, la bénédiction de Dieu. Coupés de cette communion avec Dieu, nous courons le risque de la division et de la dispersion de nos ‘ego’, faisant de nos assemblées un rassemblement d’antagonistes ou d’adversaires et non des rencontres fraternelles, de communion et de solidarité.
Jésus est à la fois notre modèle et l’artisan de cette communion. Lorsqu’il nous invite à manger sa chair et boire son sang, il nous rappelle cette communion, cette assimilation de sa vie en nous. Et dans l’Eucharistie, au-delà du pain et du vin bénits, c’est lui-même qui se donne à nous. Le pain et le vin partagés sont le signe par excellence que Jésus nous a laissé.
Or ce signe de l’eucharistie, pour être réellement vrai, doit être l’expression de notre vie. Autrement dit, l’Eucharistie ne nous rejoint que lorsque notre manière d’être et de vivre est en cohérence avec ce que nous célébrons. Sinon, le signe n’est plus qu’une habitude et se réduit à une obligation dominicale, une dévotion pieuse, dans laquelle on a chosifié Jésus en un morceau de pain. Car célébrer l’eucharistie, prendre part au repas de la pâque n’a de sens que si, comme Moïse et ensuite comme Jésus, nous nous mettons en marche pour travailler à la libération des multiples esclavages opprimant les hommes ; pour ensuite nous engager à constituer un peuple nouveau, une humanité nouvelle régie par la seule et unique loi de l’Amour.
Toute la question est de savoir si notre foi est assez forte et lucide pour mieux vivre ce mystère. Assez forte aussi pour comprendre qu’au-delà des rites, il y a notre Dieu qui est là présent, qui nous rejoint et nous nourrit par sa parole et son Eucharistie, comme Il le fait partout où nous nous trouvons. Sa présence est incarnée dans les mains de ceux et celles qui nous entourent et nous accompagnent au quotidien, dans nos joies comme dans nos peines. Le sacrement du pain et du vin n’est pas le sacrement d’une heure par semaine à l’église. C’est un sacrement perpétuel, il est l’amour de Dieu et l’amour de mes frères et sœurs vécu tout au long de la semaine et célébré par un symbole que nous appelons l’eucharistie. Quel bonheur pour nous, lors de nos eucharisties, de rencontrer et de partager la communion de ce Dieu ! Quelle merveille de partager cette allégresse en communion avec mes frères et sœurs qui sont présents ou absents ! Quelle jubilation pour moi de faire de toute ma vie une eucharistie ! C’est-à-dire de devenir ce que je reçois : le corps et le sang du Christ, lorsqu’à mon tour je me donne en nourriture dans le service des autres. Ainsi, par ma manière de vivre avec les autres, je deviens corps et sang de Jésus dans le monde d’aujourd’hui. Et ma vie devient ainsi sacramentelle : le lieu de la présence de Dieu.
Wenceslas Mungimur
Saint Laurent – Virton