Le message de Jésus, dans l’évangile de ce dimanche, est une fois de plus déroutant et difficile à accepter. « Aimez vos ennemis, dit-il, et priez pour ceux qui vous persécutent. » Comment est-ce possible, humainement parlant ? Nous sommes conscients que des ennemis, dont le comportement est contraire à l’amour du prochain et à l’amour de Dieu, ont toujours existé et existeront toujours. C’est nous qui le sommes vis-à-vis d’autres ou d’autres vis-à-vis de nous. Mais les ennemis sont autant à l’extérieur de nous qu’à l’intérieur. Ils sont générés par l’égoïsme des humains, leur arrogance, leur volonté de puissance, leur orgueil, leur jalousie, leur convoitise, leur méchanceté, etc. Quand nous parlons des humains, il s’agit des humains que nous sommes, en commençant par nous-mêmes. Humainement parlant, la réalité et la logique des choses sont celles-là. Les nier serait manquer de réalisme ou fermer les yeux sur ce que nous sommes en réalité et ce que représente notre entourage.
En parlant de l’amour de nos ennemis, Jésus nous rappelle cette réalité humaine. Personne n’est à l’abri. C’est pour cette raison qu’il demande de ne pas juger ni condamner. « Qu’as-tu, dira-il ailleurs dans l’Évangile, à regarder la paille qui est dans l’œil de ton voisin, toi qui ne vois pas la poutre qui est dans le tien ? » Il sait que s’il est difficile de reconnaître son propre comportement et ses propres ennemis intérieurs, il est plus facile de pointer du doigt ses ennemis extérieurs que sont les autres.
Pour lui, la solution consiste à nous tourner vers Dieu et à nous inspirer de son exemple. Lui qui n’est qu’amour aime chacun de ses enfants d’un même amour, sans exclusion ni jugement ni mépris. « Dieu fait tomber la pluie sur les justes et sur les injustes », nous dira encore Jésus. Si nous baignons dans l’intimité de Dieu, nous pourrons franchir le pas en ce qui concerne l’amour des ennemis, parce que nous comprendrons que chaque humain est un enfant de Dieu. Nous pourrons le regarder, l’approcher, avec un regard et un cœur hérités de Dieu lui-même. Cette intimité ne peut venir que d’une rencontre personnelle, profonde et transfigurée avec Dieu lui-même. Ce qui aidera à mieux faire le discernement vis-à-vis de nous-mêmes et des autres.
Nous ne sommes pas parfaits ni saints. Mais nous pouvons tendre vers les vertus de foi, d’espérance et d’amour. C’est pourquoi la question de l’amour de nos ennemis ne peut être audible, accessible et possible pour nous que dans la mesure où nous regardons davantage vers Dieu que vers nous-mêmes ou nos proches ou encore nos ennemis. En nous tournant vers Dieu, nous retrouverons non seulement notre propre dignité et notre respect, mais aussi celui de nos ennemis. Nous comprendrons qu’ils sont enfants de Dieu au même titre que nous et que si nous détestons le mal en eux comme en nous-mêmes, nous sommes tous appelés à nous aimer et aimer notre prochain, comme nous-mêmes. Wenceslas Mungimur St-Laurent/Virton