Homélie 2ème Dimanche de Carême

Dans les lectures de ce dimanche, il est question de la foi. Croire ne signifie nullement avoir une opinion ni se faire une opinion, comme il nous arrive souvent en disant : « Je crois qu’il y a quelque chose. » ou « Je crois qu’il y a quelqu’un !» Et rarement : « Je crois qu’il y a un Dieu » ou « Je crois que Dieu existe ! »

La foi est une adhésion forte à ce qui semble nous dépasser, mais qui est une réalité profonde enfouie en nous. Cette adhésion commence par une rencontre, une écoute et une mise en route. À Abraham Dieu demande de marcher en sa présence. Et Jésus demande à ses disciples de le suivre et de marcher avec lui. Considérée de cette manière, la foi signifie marcher avec quelqu’un, être avec quelqu’un ou à côté de quelqu’un…Une foi qui fait quitter ses terres celui qui était sédentaire, pour se mettre en route, marcher et finalement devenir nomade tout le reste de sa vie. Abraham se déplacera vers des terres inconnues, mais en étant rassuré par sa foi en Dieu et par la présence de Celui-ci à ses côtés. Non seulement il marchera, mais il osera aussi accepter des situations invraisemblables, avec des moments de doute et d’hésitation. Par exemple, lorsqu’il apprend cette promesse d’avoir un enfant, malgré l’âge de son épouse stérile ou cet engagement de Dieu de confier les terres vers lesquelles il l’envoie, à sa descendance alors que Abraham est déjà fort âgé. Et la demande la plus forte, la plus douloureuse et la plus invraisemblable, c’est celle lorsque Dieu lui demande de lui sacrifier son fils unique Isaac.

Jésus aussi a demandé à ses disciples, Pierre, Simon, Jean, Jacques…, de tout quitter et de marcher avec lui ou de le suivre. Même si l’on dit qu’aussitôt ils ont tout quitté pour le suivre, ils doivent avoir été confrontés aux incertitudes, face à l’inconnu qui les attendait. Sûrement étaient-ils bouleversés et partagés entre des ambitions de pouvoir, des rêves nationalistes par rapport à l’occupant romain et le doute et la peur du lendemain. Par rapport à leurs rêves totalement éloignés de la mission pour laquelle Jésus les appelait, Jésus durcissait sa position en leur rappelant chaque fois sa mission d’envoyé de Dieu son Père pour sauver l’humanité. Il poursuivra le durcissement de cette position jusqu’à leur annoncer son arrestation et sa mise à mort prochaine. Cette fermeté était valable non seulement pour lui-même, mais aussi pour ses disciples. Et ceux-ci auront beaucoup de mal à le comprendre et à le suivre. Ils auront toujours tendance à traîner les pieds en essayant de ramener Jésus à leur vision des choses.

C’est alors qu’interviendra, pour quelques-uns d’entre eux, Pierre, Jacques et Jean, ce moment privilégié de la Transfiguration, où ils vont faire l’expérience de la présence de Dieu et le voir, pour ainsi dire, face à face en la personne de Jésus, entouré de deux grands témoins de l’Ancien Testament, Moïse et Élie, qui, eux aussi, ont fait la même expérience de la présence de Dieu et de leur rencontre avec Lui. Ce clin d’œil les marquera jusqu’à la fin de leurs jours. Ils écriront plus tard qu’ils ont vu, touché, reconnu le Verbe de Vie, qu’ils ont été témoins de la Gloire de Dieu manifestée sur le visage et sur le corps de cet homme, leur Maître : Jésus.

Pour nous, quand nous relisons des textes concernant cette foi d’Abraham, des disciples et de beaucoup d’autres témoins de la foi, nous pouvons avoir le sentiment d’être loin de ces personnages ou d’être incapables d’une telle foi ; ou encore de n’avoir jamais eu l’occasion d’être confrontés à de telles expériences. Je ne pense pas que notre cheminement soit différent du leur. Il nous est arrivé ou il nous arrive aussi d’avoir notre propre vision de la foi, de prétendre marcher avec Jésus selon notre propre vision des choses ou nos ambitions. Oui, il nous arrive de douter de notre foi, de la présence de Dieu dans notre vie. Mais il nous arrive aussi de faire l’expérience de multiples clins d’œil, ou mieux des clins « Dieu » qui nous rassurent sur cette présence divine dans notre existence, d’en faire l’expérience de façon palpable, de passer par des moments de clair-obscur pour finalement constater que Dieu est en nous et avec nous…

Prions le Seigneur, en ce temps de carême, pour qu’il nous aide dans notre foi, qu’il nous ouvre les yeux, pour que nous nous rendions compte que, quoi qu’il arrive, Il est toujours présent et marche avec nous. À nous de décider de marcher avec Lui et de dire avec Saint Paul que tant qu’Il est avec nous, plus rien ne sera contre nous. Ou encore : ce n’est plus moi qui vis avec toutes mes ambitions, mais c’est le Christ qui vit en moi, qui m’éclaire et me guide.

Wenceslas Mungimur, Saint-Laurent Virton