Le récit mythique d’Adam et Eve nous renvoie à une réalité qui s’adresse à l’humanité de tous les temps. Autrement dit, il nous concerne encore aujourd’hui. Adam et Eve ont reçu du Créateur la possibilité de vivre dans un jardin d’Eden, un paradis de vie dans lequel ils pouvaient goûter à tous les arbres, à l’exception d’un seul, l’arbre du bien et du mal. Qu’est-ce que cela peut signifier ?
Dieu leur a tout donné, la vie, son amour, tout le bonheur dont ils avaient besoin, représenté par le jardin d’Eden. Mais il leur a aussi donné une liberté. C’est en raison de cette liberté et de ce pouvoir de décision individuelle qu’ils ont cédé au soupçon à l’intérieur d’eux-mêmes, qui laissait supposer que Dieu ne leur avait pas tout donné, de peur que leurs yeux ne s’ouvrent et qu’ils deviennent comme Lui. C’est cela qu’ils espéraient obtenir grâce à leur liberté. C’est cela la rencontre d’Eve avec le serpent, comparé à Satan, appelé aussi diviseur. Le serpent, défini et reconnu comme une créature méchante, contenant des venins mortels à l’endroit des enfants de Dieu, comme lors de la traversée du désert par les Hébreux. Eve a cru tout ce que lui a dit le serpent, jusqu’ à entrainer Adam dans sa chute.
Cette liberté, qui leur a fait croire qu’ils pouvaient devenir les égaux de Dieu, avec la connaissance du bien et du mal, leur a fait perdre ce merveilleux paradis offert, cette innocence originelle. Leurs yeux s’ouvrirent alors, non pour devenir les égaux de Dieu, mais pour se rendre compte de leurs limites et de la responsabilité qui désormais était la leur devant leur destinée et leurs actes. Ils quittaient ainsi le chemin d’une vie donnée gratuitement pour un choix à faire entre le bien et le mal. C’est ainsi qu’ils quittent le paradis pour le désert, un lieu de combat, d’épreuves, de survie et de mort… Le serpent leur a fait croire que le paradis n’en était pas un…Selon lui (le diable), Dieu les aurait trompés de peur qu’ils ne deviennent ses égaux et que le vrai paradis était celui qu’ils devaient acquérir en bravant l’interdit. Mais ils finirent par comprendre que finalement ce paradis promis par le serpent n’était qu’une tromperie. Au contraire, c’était plutôt un désert, lieu de dureté, de nudité et de durs combats pour la survie…
C’est vers ce désert, ce combat avec Satan, que Jésus est envoyé par l’Esprit, alors que Dieu vient de le confirmer officiellement comme son Fils bien aimé. C’est à ce moment-là que Jésus commence son combat avec Satan, qui lui propose la triple tentation d’en profiter, avec des facilités alléchantes, la gloire et le pouvoir. Une occasion en or pour le Christ de devenir l’égal ou de prendre la place de son Père. Mais, contrairement à l’ambition d’Adam et Eve, Jésus choisit de se mettre du côté de son Père et opte pour la victoire du bien. Il transforme son combat au désert en une victoire et une confiance dans l’amour de son Père.
Ce n’est pas par hasard que ces textes nous sont proposés en ce premier dimanche de carême. Le carême est un temps de désert, une occasion de faire l’expérience du désert. C’est là que chacune et chacun de nous est appelé à prendre la mesure de ses limites, en regroupant ses forces pour assurer sa survie. On oublie l’accessoire, le superflu, le superficiel pour s’attacher aux vraies valeurs. Faire carême, c’est se convertir, se retourner, distinguer ce qui est insignifiant. C’est remettre les choses à leur place, leur rendre leur vraie valeur, reconsidérer nos choix de vie.
Comme nous dit St Paul, puissions-nous durant ces 40 jours réapprendre à discerner l’essentiel, à ne pas vouloir tout, à ouvrir des chemins de vie pour nous et pour nos proches. C’est d’ailleurs ainsi que nous ferons déjà dans notre vie quotidienne l’expérience de la résurrection. Pour le croyant, chaque jour est Pâques, parce qu’il prend conscience que tout ne lui est pas dû, mais que tout lui est donné par l’Amour du Créateur, notre Père.